J’ai mis un peu plus de temps que prévu à voir tous les films qui avaient attiré mon attention en 2015 et ai pris mon temps pour concocter cette liste. Il s’agit de ma sélection personnelle et subjective des films qui m’ont positivement marqué durant cette année, avec quelques pépites que vous auriez pu manquer. Ceux-ci sont cités sans ordre particulier; il ne s’agit pas d’un classement.
Inside Out
Un choix qui ne paraît pas très original, je sais: on a tous entendu parler du film d’animation Pixar de l’été 2015. Mais c’est à mon avis l’un des meilleurs, si pas le meilleur film Pixar à ce jour, rejoignant mes autres favoris qui sont “Ratatouille” et “The Incredibles”. “Inside Out” met en scène 5 personnages représentant les émotions de Riley, une petite fille dont la vie est bouleversée lors de son déménagement à San Francisco avec ses parents. On suit la transformation de son univers intérieur, bâti initialement autour de 5 îles représentant les facettes de sa personnalité, alors que Riley tente de s’adapter à sa nouvelle vie. Ce qui me fascine dans ce film, ce sont ses nombreux niveaux de narration, les analogies très subtiles entre ce qui se passe dans le monde intérieur de Riley et la réalité, la façon dont il explique comment les émotions sont interdépendantes et se combinent pour former d’autres émotions, comment les émotions créent des souvenirs et comment les souvenirs sont gravés dans notre mémoire pour parfois finir oubliés. Beau et parfois dur, le film n’hésite pas à parler de sujets difficiles tels que la dépression ou la perte de l’innocence. C’est le film Pixar parfait où les enfants y trouvent autant leur compte que les adultes, où chaque scène fourmille d’idées et de trouvailles visuelles accompagnées d’une touche d’humour, et qui parvient surtout à susciter chez le spectateur toute une palette d’émotions du début à la fin.
Mad Max: Fury Road
Autre énorme hit de l’été, “Mad Max: Fury Road” est un film popcorn à grand spectacle à déguster sans modération. Pourtant, on ne peut pas dire que les acteurs y brillent particulièrement ni que son scénario soit très original. Pour résumer grossièrement l’intrigue: dans un futur post-apocalyptique où la ressource la plus rare est l’eau, une poignée d’individus (dont Mad Max) s’échappent d’une cité dirigée par un tyran nommé Immortan Joe, à bord d’un camion de guerre boosté. Des courses-poursuites infernales dans le désert s’ensuivent… puis ils font demi-tour et c’est reparti. Le film est résolument féministe et la véritable protagoniste est Furiosa, la guerrière à la main mécanique (Charlize Theron), volant carrément la vedette à Max (Tom Hardy) qui se contente d’agir comme un animal solitaire tentant de survivre à la situation. Mais la raison principale pour laquelle il faut voir ce film, ce sont ses très longues scènes d’action démentielles qui ne vous laisseront aucun répit. Le look rétro-futuriste incroyable des véhicules et des personnages, la chorégraphie parfaite et l’aspect visuel très léché de ces scènes franchissent un nouveau cap dans l’histoire du cinéma. La musique tout en percussions et les effets sonores tonitruants augmentent encore plus la tension à l’écran. Le film a nécessité des années de préparation et a été tourné en Afrique du Sud dans des conditions difficiles; cela se voit et contribue grandement à la crédibilité des scènes les plus loufoques car on n’a pas l’impression de voir des acteurs gesticuler devant un fond vert: la caméra est sur la route et les acteurs suent, bougent et se font mal. Et au final, “Fury Road” réinvente Mad Max et rend complètement ringards les précédents films de la saga du même réalisateur. Bel exploit, George Miller.
The Voices
On embraye avec un film beaucoup moins connu, la dernière perle réalisée par Marjane Satrapi (“Persepolis”). “The Voices” est une comédie noire, très noire, qui risque de choquer les âmes les sensibles. On y suit Jerry (Ryan Reynolds, parfait), qui vient de décrocher un job dans une fabrique de baignoires et tente de faire bonne impression à ses collègues. En particulier, il va tenter de séduire Fiona du service comptabilité, mais les choses vont déraper. Jerry habite au-dessus d’un ancien bowling, avec son chien et son chat avec qui il a de longues conversations. Parce que oui, j’ai oublié de mentionner que Jerry sort tout juste de l’hopital psychiatrique et quand il oublie de prendre ses pilules, il devient complètement timbré et entend des voix. Son affectueux chien représente sa conscience, tandis que son grossier (et hilarant) chat l’incite au meurtre. Alors, bien que Jerry veule bien faire, il va se retrouver “malgré lui” pris dans une joyeuse spirale meurtrière… On oscille en permanence entre la comédie et l’horreur et c’est ce qui m’a plu dans ce film. Tantôt on éprouve de la sympathie pour le “héros” quand il évolue dans son univers loufoque, tantôt du dégoût lorsqu’il prend ses pilules et nous entraîne avec lui dans sa redescente brutale vers la sinistre et froide réalité de ses actes. Ce “American Psycho” déjanté ne plaira probablement pas à tout le monde mais son originalité en vaut le coup d’oeil et son aspect esthétique est très réussi. Si vous le suivez jusqu’au bout, vous aurez même droit à un générique de fin génial!
Ex Machina
On a beaucoup parlé d’intelligence artificielle dans les médias récemment. J’attendais la sortie d’un bon film traitant le sujet, après les lamentables “Transcendence”, “Chappie” ou “Terminator Genisys”. Mon souhait est enfin exhaucé avec “Ex Machina”, un film de science-fiction intelligent écrit et réalisé par Alex Garland. Le pitch: Caleb (Domhnall Gleeson), jeune programmeur travaillant pour une multinationale équivalante à Google, remporte un concours pour aller passer une semaine en compagnie de son mystérieux CEO Nathan (Oscar Isaac) dans un complexe isolé dans les montagnes où celui-ci vit en ermite. Arrivé là-bas, Nathan lui dévoile qu’il travaille sur une intelligence artificielle révolutionnaire nommée Ava, un androïde ayant l’apparence d’une jeune femme (Alicia Vikander). Caleb est invité à participer à un test de Turing permettant de déterminer si Ava possède ou non une conscience. Il se rend alors tous les jours au sous-sol, qui a des allures de bunker, pour se lancer dans de longs dialogues avec Ava. L’ambiance devient rapidement glauque: Ava, prisonnière, amadoue Caleb et le met en garde contre Nathan qui, sous ses apparences de surdoué sympathique, a toutes les caractéristiques du sociopathe et épie ses moindres faits et gestes. Mais au final, qui manipule qui? Le film, en plus de son suspense parfaitement maîtrisé, soulève des questions philosophiques, notamment aux travers des passionnants dialogues entre Caleb et Ava. Qu’est-ce que la conscience? Qu’est-ce qui fait de nous des humains? Quelle vie mérite d’être sauvée, ou doit rester emprisonnée? L’aspect visuel d’“Ex Machina” est très soigné et lui a valu l’oscar des meilleurs effets spéciaux pour le superbe design mi-femme mi-machine d’Ava. La musique est de grande qualité: synthétique, atmosphérique, parfois envoûtante et parfois terrifiante. J’attends avec impatience vos prochains films, monsieur Garland.
Kingsman: The Secret Service
On a eu droit à pas mal de films d’espions et agents secrets cette année, à commencer par le dernier du patron lui-même: James Bond, qui ne m’a pas trop convaincu. Mais celui que personne n’attendait, et qui à mon humble avis dépasse tous les autres (du moins en termes d’originalité), c’est décidément “Kingsman” et son charme so shocking et so British. Colin Firth y incarne Galahad, un agent anglais au flegme et aux techniques de combat impeccables, appartenant à l’organisation secrète Kingsman dissimulée derrière la façade d’un tailleur. Galahad va recruter un nouvel agent en la personne de Eggsy (Taron Egerton), jeune voyou avec du potentiel et accessoirement fils de son ami décédé lors d’une précédente mission. Eggsy n’est pas le seul candidat et lui et ses camarades, dont la très douée Roxy, vont devoir passer de nombreuses épreuves pendant leur dangereuse formation afin de pouvoir prétendre au poste. Mais il ne suffit pas d’être le meilleur, il faut aussi se montrer capable d’exécuter tous les ordres, même quand ceux-ci sont d’abattre un chiot innocent à bout portant (ne me demandez pas pourquoi, c’est dans le scénario). Michael Caine et Mark Strong sont également de la partie tandis que face à eux, Samuel L. “motherf***g” Jackson incarne un méchant technocrate complètement barré qui aimerait gouverner le monde en semant le chaos, si possible en évitant la vue du sang. Savant mélange entre “Kick-Ass”, “Harry Potter” et “James Bond”, ce film parvient à créer une combinaison unique et diablement efficace qui ne se prend pas au sérieux, soutenue par la mise en scène d’enfer du subversif Matthew Vaughn. Il contient également son lot de scènes d’action décoiffantes et gore (vous serez prévenus), mes favorites étant le combat dans une église et le “feu d’artifice” vers la fin. Si le dernier James Bond vous a déçu(e), vous savez maintenant quoi voir ensuite.
Spy
Restons dans l’espionnage avec un autre film qui a remporté pas mal de succès de 2015, et à juste titre: “Spy” de Paul Feig. Cette fois, pas de doute, on est dans le registre purement burlesque. Susan Cooper (Melissa McCarthy) est une analyste de la CIA qui assiste les agents de terrain à distance, bien callée derrière son bureau. Maladroite et peu sûr d’elle, elle travaille en duo avec le charismatique Bradley Fine (Jude Law) pour qui elle en pince secrètement, jusqu’au jour où celui-ci se fait tuer en mission dans des circonstances mystérieuses alors qu’il tentait de localiser une bombe. Susan se porte alors volontaire pour suivre le suspect lors d’une simple mission de surveillance qui tourne rapidement en mission d’infiltration, et notre Susan qui jure comme un charretier se retrouve malgré elle au coeur de l’action où elle se révèle être un agent de terrain aussi vulgaire qu’efficace. Elle sera aidée par sa collègue Nancy (Miranda Hart) et Rick Ford, interprété par un Jason Statham qui joue ici la caricature parfaite des rôles dans lesquels on a l’habitude de le voir: un gros dur égocentrique suintant la testostérone qui se révèle être aussi idiot qu’inutile. L’humour est souvent gras et même si je ne suis pas particulièrement fan de McCarthy, je dois admettre qu’elle est parfaite pour ce rôle. Le film est à pisser de rire du début à la fin, on ne s’ennuye jamais et les scènes d’action sont très bien orchestrées, ce qui ne gâche rien. Quant à la musique… il y a de la techno ukrainienne entendue à l’Eurovision et un certain rappeur américain apparaît à l’écran; je ne vous dis que ça. Restons donc sur cette note positive, sachant que Paul Feig est à présent responsable du très controversé nouveau “Ghostbusters”.
It Follows
C’est le film d’horreur de l’année. Le concept: après avoir fait l’amour avec un garçon qu’elle connaît à peine, une jeune fille prénommée Jay se retrouve suivie en permanence par “quelque chose”. La chose, qu’elle est la seule à voir, peut prendre différentes formes humaines et avance très lentement droit vers elle… Jay peut fuir, mais elle sait qu’elle finira toujours par être rattrapée à un moment ou un autre. Elle a l’impression de devenir complètement folle; heureusement elle peut compter sur ses amis prêts à la croire et à l’aider. Ensemble ils vont mener l’enquête et essayer de retrouver l’origine du phénomène, en commençant par le garçon avec qui elle a couché qui semblait être victime de la même malédiction. Le film fait monter l’angoisse en permanence et mise à fond sur l’attention du spectateur. Vous voyez cette silhouette qui marche lentement vers Jay dans un coin de l’image, en arrière-plan? Serait-ce la chose ou juste un passant? Attendez-vous à quelques surprises et scènes flippantes dans une ambiance très particulière. La musique électronique est géniale et vous donnera des frissons. Les plans sont longs, symétriques et agréables à l’oeil. Seul bémol: le scénario est peut-être un peu léger et commence à faire du surplace vers la fin. Malgré cela, “It Follows” est une expérience de cinéma d’horreur qui vaut la peine d’être vécue, de préférence seul(e) et dans le noir.
Tomorrowland
Ce film est probablement celui qui fera le moins l’unanimité dans cette liste. Je suis le premier à reconnaître qu’il a des défauts, à commencer par sa narration laborieuse (surtout au début). Mais je voulais qu’il figure dans cette liste, car pour moi il est à l’image de l’attraction du “Space Mountain” à Disneyland: il s’adresse à notre âme d’enfant et nous prie d’attacher notre ceinture avant de nous mettre des étoiles plein les yeux. C’est la rencontre entre deux scientifiques séparés par une génération. Il y a d’abord Casey (Britt Robertson), une jeune femme qui vient de trouver un badge très spécial qui lui permet d’apercevoir un endroit futuriste merveilleux. Et puis il y a Frank (George Clooney), un génie désabusé qui a eu la chance de fréquenter cet endroit dans sa jeunesse avant d’en être banni. Ce lieu mystérieux n’est autre que Tomorrowland, et tout le plaisir du film consiste à suivre le périple de nos héros pour atteindre cette destination. L’alchimie des deux personnages principaux fonctionne bien et ceux-ci sont également accompagnés par une fillette pleine de ressources, Athena, qui est probablement le personnage le plus réussi. Mon coup de coeur va principalement aux images qui sont du caviar pour les yeux. Pour ce qui est des aspects négatifs, nous avons droit à des incohérences, un personnage peu inspiré incarné par Hugh Laurie et des gros clichés moralisateurs vers la fin. Mais je m’en fiche: moi, j’adore.
The Gift
“The Gift” est un petit film que personne n’attendait, et donc une excellente surprise de l’été 2015. Joel Edgerton écrit, réalise et interprète le rôle principal de ce thriller psychologique captivant. Simon et Robyn, fraîchement mariés, emménagent dans leur nouvelle demeure avant de croiser par hasard un ami d’enfance de Simon: Gordo. De plus en plus présent, celui-ci commence à déposer des cadeaux au couple devant leur porte d’entrée et se rapproche de Robyn en s’invitant régulièrement au domicile pendant que son mari est au travail. Celui-ci voit ça d’un mauvais oeil et commence à s’inquiéter. Quelles sont les véritables intentions de Gordo et quel secret cache-t-il? La réponse est inattendue et le véritable sujet du film, que je tairai ici, est traité avec beaucoup d’intelligence. Jason Bateman offre ici l’une des meilleures interprétations de sa carrière dans le rôle de Simon. Le tout est subversif et rythmé par des retournements de situation qui vous laisseront pantois vers la fin.
The Revenant
Alejandro González Iñárritu est très inspiré en ce moment. Tout ce qu’il touche devient de l’or. L’an dernier, il nous sortait un chef-d’oeuvre avec “Birdman” et voici qu’il enchaîne avec un deuxième Oscar d’affilée en tant que meilleur réalisateur pour “The Revenant”. Et surtout, il permet à Leonardo Di Caprio d’avoir enfin droit à sa statuette dorée grâce à un rôle très dur taillé sur mesure. Dans ce film inspiré d’une histoire vraie, il interprète Hugh Glass, un trappeur du début du 19e siècle. Après un combat épique avec des indiens tournant rapidement au massacre, il parvient à s’échapper avec son fils métisse et quelques compagnons. Plus tard, il se fait attaquer par un grizzly et survit par miracle. Le film vaut la peine d’être vu ne fût-ce que pour cette scène incroyable présentée en un seul plan-séquence. Gravement blessé, incapable de bouger et muet, Glass est trahi par un certain John Fitzgerald (Tom Hardy, fascinant) qui tue son fils et l’abandonne. Sans nourriture et armé uniquement de son courage et de son instinct de survie à faire pâlir tout candidat de Koh-Lanta, il entreprend de rejoindre le camp le plus proche situé à 300km de là et se venger. Les images sont superbes, les mouvements de caméra fluides et les décors épiques, plongeant le spectateur dans une immersion totale. L’histoire est ponctuée par quelques scènes de violence primale à déconseiller aux âmes sensibles, et Di Caprio nous envoie des émotions via son regard perçant. Une histoire finalement assez simple mais surtout une expérience dont on ne ressort pas indemne.
Anomalisa
Anomalisa est un film d’animation singulier par le génial Charlie Kaufman. Ici, point de 3D ou de dessin: l’animation est réalisée entièrement image par image à l’aide de poupées. Il s’agit d’un récit intimiste et profondément humain, une réflexion sur la recherche du bonheur dans la vie. On y suit Michael Stone, auteur à succès profondément las de sa vie monotone, de passage pour une nuit à Cincinnati. Il se prépare à donner une présentation ayant pour thème le service client lors d’un congrès le lendemain matin. Mais, seul dans sa chambre d’hôtel, il ne parvient pas à se concentrer: il pense surtout à son fils, qui n’a l’air intéressé que par les cadeaux, et à son ex, qu’il a quittée 11 ans avant dans cette même ville. Puis, au beau milieu de cette soirée à priori ratée, il va faire la rencontre de la spontanée Lisa, la seule personne à lui paraître différente des autres. En effet, tous les autres personnages ont la même voix et apparence. Lisa serait-elle l’amour de sa vie? La photographie est très intéressante et le thème est résolument adulte, avec l’une des scènes de sexe les plus chargées en émotions jamais filmées… avec des poupées! Je m’attendais à ce que la trame finisse par tourner au délire total comme souvent chez Kaufman (je n’ai toujours rien compris à son “Synecdoche, New York”) mais il n’en est rien: le tout est beau et métaphorique en restant logique et compréhensible. Heureusement qu’il reste des films d’animation totalement indépendants comme celui-ci, n’hésitant pas à prendre des risques pour nous montrer ce qu’on n’aurait l’occasion de voir nulle part ailleurs.
The Martian
Bring Matt Damon Home! Le film spatial de l’année c’est sans aucun doute “The Martian”. Il s’agit de l’adaptation d’un livre à succès et du meilleur long métrage de science-fiction de Ridley Scott depuis “Blade Runner” en 1982. Après une violente tempête, l’équipage d’une expédition scientifique sur Mars est forcé d’abandonner son campement et quitter la planète, laissant pour mort l’un des leurs: Mark Watney. Or celui-ci survit miraculeusement. Livré à lui-même, il va devoir trouver un moyen de contacter la terre et surtout de survivre durant des centaines de jours sur une planète hostile, alors que les réserves en eau et en nourriture du campement sont insuffisantes. Mais tout n’est pas perdu: Watney est biologiste, et il va mettre à profit toutes ses connaissances et redoubler d’ingéniosité pour se construire un petit écosystème avec une culture locale de patates, faisant de lui le Robinson Crusoé martien. La mission de sauvetage s’organise sur terre et à bord du vaisseau de retour de ses collègues, mais arriveront-ils à temps pour le sauver? Ce film est génial pour de nombreuses raisons: un scénario plein de suspense et de rebondissements, Matt Damon incarnant avec brio ce scientifique sympathique et acharné qui parle tout seul et fait des blagues pour échapper à la solitude, et de sublimes images de paysages de Mars et de scènes dans l’espace. Ce qui m’a surtout plu, c’est le fait que ce film prend ses spectateurs pour des gens intelligents et ne cède pas à la facilité de faire du grand spectacle pour le grand spectacle. Le rythme est souvent lent, mais on ne s’ennuye jamais. On se sent très proche du protagoniste qui nous fait ressentir toute une palette d’émotions. Quant à la musique, elle est composée d’instrumentaux ainsi que de tubes des seventies à tendance disco qui sont la seule source musicale à la disposition de Watney durant son séjour. Il faut dire qu’avoir la chance de pouvoir écouter “Starman” de David Bowie dans un film de science-fiction de cette qualité, cela ne se refuse pas.
Merchants of Doubt
Robert Kenner signe un nouveau documentaire-choc. Dans “Merchants of Doubt”, il lève le voile sur le business de la désinformation et du détournement d’attention de l’opinion publique. Plusieurs cas sont étudiés: l’industrie du tabac, celle des retardateurs de flamme, et surtout le puissant lobby industriel face au réchauffement climatique qui constitue le sujet principal du film. Dans ces domaines apparemment sans lien, les mêmes noms reviennent souvent. Des “sceptiques professionnels” sans morale, spécialistes de la tromperie, dont les techniques sont comparées à celles des prestidigitateurs. Face à eux, des scientifiques désemparés et quelques activistes tentent tant bien que mal de rectifier le tir pour faire prévaloir la vérité scientifique auprès de l’opinion publique, souvent au prix de lourdes intimidations et humiliations… Vous sortirez probablement révolté(e) de la vision de “Merchants of Doubt” mais votre esprit critique n’en sera que plus aiguisé, c’est pourquoi j’espère sincèrement qu’un maximum de personnes le regarderont.
Sicario
À la suite d’un assaut ayant mal tourné, Kate Macy, jeune agent du FBI (Emily Blunt) est recrutée par une division d’élite secrète du gouvernement chargée de combattre les responsables à la source: des cartels mexicains de la drogue. Habituée à agir selon les règles, elle se retrouve embarquée au Mexique dans un territoire où des cadavres mutilés sont hissés sur des ponts et où les lois qu’elle connaît n’ont plus cours, ni pour ses nouveaux collègues ni pour leurs adversaires. Torture de suspects, chantage, trahison: rien ne lui sera épargné dans cette enquête sordide dont les méthodes vont à l’encontre de tous ses principes. Malgré tout, Kate va se cramponner pour parvenir à atteindre l’homme à l’identité inconnue à la tête du cartel, avec l’aide de son mystérieux nouveau partenaire (Benicio Del Toro) qui ressemble plus à un tueur à gages qu’à un agent. “Sicario” est un film d’horreur déguisé en thriller qui nous immerge en enfer, par sa musique sombre et oppressante, son ambiance glauque aux images léchées et ses scènes de fusillade filmées de façon ultra-précise à la Michael Mann. Une expérience cinématographique intense.
Le Tout Nouveau Testament
Dieu existe, il habite à Bruxelles. Incarné par Benoît Poelvoorde, il se trouve également que c’est un salaud qui méprise sa femme (Yolande Moreau) et maltraîte sa fille (Pili Groyne), passant ses journées en peignoir enfermé dans son bureau à torturer l’humanité via son ordinateur. Un jour, sa fille Ea parvient à s’échapper de l’appartement de son père où elle est séquestrée depuis 10 ans et entreprend de réunir 6 apôtres pour écrire un tout nouveau testament, en redonnant au passage un sens à leur vie. Voilà le pitch qui a fait fuir tous les producteurs de cinéma français mais qui tenait très à coeur à Jaco Van Dormael, mon réalisateur belge favori, qui a encore pris tout son temps pour réaliser son quatrième film. La narration et la présentation des personnages en voix-off est similaire à celle de “Toto Le Héros” et on retrouve toute la féérie et l’inventivité visuelle de l’univers de Van Dormael, qui filme ici la ville de Bruxelles à la perfection. Les singuliers personnages des apôtres interprétés par une belle brochette d’acteurs sont étudiés avec beaucoup de finesse, tandis qu’on prend plaisir à voir Poelvoorde jouer le méchant qui s’en prend plein la poire pendant tout le film. Yolande Moreau est également très convaincante dans un rôle quasi-muet mais central à l’histoire. La musique est quant à elle constituée d’une somptueuse bande originale composée par An Pierlé, récompensée par un Magritte. C’est le film belge de l’année.
The Infinite Man
C’est le film de science-fiction indépendant à petit budget de l’année. Dean, brillant scientifique complexé qui aime contrôler les moindres détails de sa vie, emmène sa petite-amie Lana à une reconstitution de l’un de leurs précédents week-ends en amoureux dans un motel aujourd’hui déserté. Cependant l’ex petit-ami de Lana, une grosse brute du nom de Terry, fait irruption et ruine leur week-end, provoquant la rupture du couple. Un an plus tard, Dean invite à nouveau Lana sur les lieux de la tragédie afin de lui présenter sur quoi il a travaillé: une machine à voyager dans le temps conçue pour revenir à ce fameux week-end et tenter de changer le cours des événements. Seulement voilà, les choses ne se passent pas comme prévu et alors que notre maladroit scientifique amoureux tente de réparer ses erreurs en agissant “en coulisses” sur les événements passés, les choses ne vont qu’empirer dans un festival de situations hilarantes. “The Infinite Man” compense son manque de budget par un brillant scénario-puzzle, étoffé et complexe, qui vous fera rire autant que vous creuser les méninges. Car si au début, l’histoire est encore facile à suivre, les choses se corsent sévèrement vers la fin et il vous faudra probablement deux visions pour tout comprendre. Malgré sa complexité, le film reste accessible et chargé en émotions, jetant un regard tendre sur la condition amoureuse. Ce film était mon coup de coeur du BIFFF 2015.
Me and Earl and the Dying Girl
Greg, un ado à l’imagination débordante, nous raconte de façon très spontanée sa dernière année au lycée. Greg, c’est le “Me” du titre du film tandis que “Earl” est son meilleur (et seul) ami qu’il préfère appeler collègue. Un beau jour, sa mère l’oblige à passer un peu de temps avec Rachel, une fille à qui on a récemment diagnostiqué une leucémie. Les deux se connaissaient à peine et leur première prise de contact est plutôt froide et embarrassante mais ils vont rapidement s’intéresser l’un à l’autre, pour le meilleur et pour le pire… Les personnages du film sont tous attachants et originaux, à l’exception peut-être du narrateur ce qui aide probablement le spectateur à s’identifier à lui. On a même droit à Jon Bernthal dans le rôle d’un prof d’histoire tatoué. Pour ne rien gâcher, Greg et Earl sont cinéphiles et s’attèlent régulièrement à recréer ou parioder en amateur les grands classiques du cinéma d’auteur, à la manière des héros de Michel Gondry dans Be Kind Rewind. Le film est également ponctué de quelques séquences d’animation et bénéficie d’un travail de mise en scène impeccable avec des plans qui rappellent parfois le style de Wes Anderson et sa caméra très mobile. La musique est dans le même ton, jolie et discrète pendant une bonne partie de l’histoire et plus marquante vers la fin. Beau et émouvant.
Beasts of No Nation
Les enfants-soldats, voilà un sujet sensible à traîter dans un long métrage. Cela n’a pas rebuté Netflix, le producteur, qui a fait confiance au génial scénariste-réalisateur Cary Joji Fukunaga à qui on doit déjà la première saison culte de “True Detective”. “Beasts of No Nation” est l’adaptation du roman du même nom écrit par Uzodinma Iweala en 2005. Le film suit un jeune garçon nommé Agu dans un pays africain sans nom, qui vit paisiblement avec sa famille avant qu’une guerre civile ne dévaste tout et le laisse orphelin. Il se fait alors recruter de force pour devenir soldat sous les ordres du charismatique leader des forces rebelles simplement nommé “le Commandant”, interprété de façon magistrale par Idris Elba qui aurait mérité un Oscar. L’oeuvre retransmet parfaitement l’absurdité et la violence de la guerre, ainsi que la déroute d’Agu qui ne sait plus quoi éprouver entre tristesse, colère et admiration pour son nouveau leader psychotique qui fait de lui son “protégé”. La mise en scène est à couper le souffle, surtout dans les scènes de guerre, comme on était en droit d’attendre de la part de Fukunaga. Attention: je déconseille ce film très dur aux âmes sensibles. Vous le trouverez dans le catalogue Netflix.
Mentions honorables
Quelques bons films auxquels il manquait un petit quelque chose pour faire partie de ma liste:
- Amy: Un documentaire poignant sur la carrière-éclair de la talentueuse chanteuse Amy Winehouse et sa spirale d’autodestruction, articulé autour de ses chansons très personnelles.
- Steve Jobs: Michael Fassbender offre l’interprétation la plus cynique du PDG d’Apple dans ce film en 3 actes en coulisses aux superbes dialogues éreintants.
- When Marnie Was There: Le dernier film d’animation des studios Ghibli est très émouvant et visuellement réussi, même s’il n’atteint pas les sommets de leurs oeuvres les plus originales.
- Tangerine: Une comédie endiablée et trash à propos d’un travesti à la recherche son petit-ami proxénète, filmée intégralement à l’iPhone sur fond de soundtrack trap.
- Star Wars: Episode VII - The Force Awakens: Le nouveau Star Wars est visuellement superbe et très divertissant, même si je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est qu’un remake de l’épisode IV qui n’innove quasiment pas. J’attends de voir “Rogue One” l’an prochain pour quelque chose de plus original.
- Creed: Rocky est encore de retour et cette fois, en entraînant un jeune poulain, il parvient à mieux convaincre que dans le film “Rocky Balboa” de 2006.
Grosses déceptions
Comme chaque année, des films que j’attendais ont fait un gros flop. Parmi ceux que j’ai vus, citons par exemple “Chappie”, “The Lazarus Effect” et “Terminator Genisys”. Ou d’autres films juste moyens comme “Spectre” et “Jurassic World”.
2016 s’annonce déjà riche en petites perles cinématographiques; je vous en parlerai sans faute l’an prochain!