Personne n’y a échappé, le nouveau téléphone vedette d’Apple est sorti cet été en Belgique et tous les fanboys se sont immédiatement bousculés à l’entrée des magasins Mobistar pour se l’arracher ou être mis sur liste d’attente. Des stocks très faibles dès la sortie officielle de l’appareil contribuent à entretenir cette hystérie générale. Certains vendeurs Mobistar n’hésitent d’ailleurs pas à pratiquer la vente groupée dissimulée: officiellement ils n’en ont plus, mais ils gardent quelques pièces en stock pour les clients qui sont prêts à souscrire un contrat chez eux…
Plutôt salée l’addition: 640 EUR pour le modèle 16 Go et 750 EUR pour le modèle 32 Go (110 EUR pour 16 Go supplémentaires ou comment payer la mémoire interne à prix d’or). L’ iPhone 4, c’est son nom, est l’un des téléphones grand public les plus chers jamais vendus. Mais à ce prix-là, en a-t-on réellement pour son argent? C’est ce que nous allons essayer de voir.
Avant même son annonce officielle, l’iPhone 4 causait déjà des soucis à Apple car un prototype presqu’identique à la version finale a été retrouvé dans un bar. Le monde entier a ainsi pu découvrir en avant-première son nouveau design qui tranche un peu avec les trois versions précédentes: fini le dos bombé, le téléphone est doté de deux faces plates noires avec une antenne en guise de bordure métallique. On aime ou on n’aime pas, je vous laisse seul juge.
Deuxième souci pour Apple, ladite antenne révolutionnaire a rapidement fait parler d’elle, en mal, car il s’avère que lorsqu’on pose le doigt à l’endroit précis de la jointure entre ses deux segments, les mettant ainsi en contact, la réception du signal GSM baisse rapidement jusqu’à interrompre purement et simplement l’appel si vous étiez en communication. Dans la pratique, il y a peu de chances de mettre le téléphone dans cet état involontairement mais il faut reconnaître que cette conception est pour le moins douteuse et il n’en a pas fallu moins pour déclencher un scandale que certains n’ont pas hésité à appeler “Antennagate”. Apple a donc réagi: une conférence de presse exceptionnelle a été organisée et Steve Jobs, après avoir minimisé le problème et porté quelques coups bas à la concurrence, a annoncé qu’il offrait gratuitement un “bumper” pour chaque iPhone 4 acheté. Il s’agit d’une bande de caoutchouc qui recouvre l’antenne périphérique pour empêcher de la mettre en contact avec les doigts.
Ils en ont également profité pour licencier le responsable de l’équipe de développement des antennes et créer une nouvelle révision de l’iPhone avec antenne corrigée qui ne devrait pas faire son apparition avant fin septembre (mais chut, ne le dites pas à ceux qui se sont rués pour acheter la première version).
Outre son antenne révolutionnaire, l’iPhone 4 est également doté d’un nouvel écran haute définition: 960×640 pixels au lieu des 480×320 pixels des modèles précédents. Même si c’est le premier écran de smartphone de cette taille à afficher une résolution aussi élevée, celui-ci n’a rien de révolutionnaire. Il ne s’agit même pas d’un écran basé sur la technologie AMOLED ou Super LCD mais d’un TFT-LCD IPS relativement classique de bonne facture. Par contre les génies du marketing de la firme à la pomme lui ont trouvé un nom: Retina Display, l’écran qui atteint les limites de perception de la rétine humaine (avouez qu’il fallait la trouver, celle-là). Dans la pratique, le texte et les contrôles visuels natifs (boutons, onglets, …) des applications existantes sont déjà automatiquement dessinés en version haute définition sur l’écran de l’iPhone 4, en gardant les mêmes proportions. Pour profiter pleinement de ce gain en pixels, par exemple en affichant des images ou icônes plus détaillées, les applications doivent néanmoins être adaptées.
En plus d’un capteur photo arrière à la qualité revue à la hausse (5 Mégapixels avec enfin un flash LED et une bien meilleure sensibilité), l’iPhone 4 possède maintenant aussi un capteur photo de qualité moyenne en facade, capturant les images de votre trombine dans une résolution de 640×480 pixels. L’usage principal de ce nouveau capteur étant, vous vous en doutez, la visioconférence. Ici encore, Steve Jobs a tenté de faire croire à son public en transe que cet appareil est le premier du genre à proposer la visioconférence, alors que le vieux Nokia N95 de 2007 le faisait déjà. La visioconférence selon Apple porte le nom de FaceTime et fonctionne uniquement entre appareils Apple, lorsqu’un réseau WiFi est disponible (sans doute prochainement aussi via 3G).
J’avoue m’être posé des questions en voyant la femme en pleine échographie avec son iPhone dans cette publicité. Les hopitaux avec réseau WiFi public sont plutôt rares et dans de nombreux hopitaux belges, l’utilisation d’un téléphone mobile est encore interdite. Techniquement, la communication GSM est coupée lorsque la visioconférence démarre et seul le WiFi est alors utilisé. Le couple communicant par langue des signes est aussi très émouvant, mais on se rend rapidement compte qu’à courte distance la caméra cadre surtout leur visage et on voit mal leurs mains à l’écran, de plus ils sont contraints d’utiliser une seule main pour les signes puisqu’ils doivent tenir le téléphone de l’autre.
Une fonction que je trouve nettement plus innovante est la possibilité de capturer des vidéos en haute définition pour ensuite réaliser des montages vidéo au rendu professionnel directement sur le téléphone. Pour ce faire il vous faudra débourser 4 euros pour la version mobile du célèbre logiciel iMovie, qui n’est pas disponible pour les précédentes déclinaisons de l’iPhone. Les possibilités restent limitées par rapport à la version Mac, mais sont déjà très impressionnantes. Apparemment l’application est encore un peu boguée; cela sera probablement corrigé dans les futures mises à jour.
L’iPhone 4 utilise des cartes microSIM. Une carte SIM classique est compatible microSIM à condition d’être découpée au bon format (opération relativement risquée si vous n’avez pas l’outil adéquat, un “SIM cutter”). L’idéal étant bien sûr de demander une carte microSIM à son opérateur GSM. L’opérateur Mobile Vikings fournit par exemple des cartes SIM hybrides, prêtes à être utilisées dans des emplacements SIM ou microSIM sans découpage.
J’en profite au passage pour signaler que Mobile Vikings est de loin le meilleur opérateur de téléphonie mobile en Belgique pour qui veut disposer d’une connexion Internet via 3G sur son smartphone ou son iPad. Leur offre standard est une carte prépayée qui inclut 2 Go de données et 1000 SMS pour 15 EUR par mois, ces 15 EUR pouvant être utilisés intégralement en communications téléphoniques. L’offre ciblant l’iPad, qui inclut uniquement 2 Go de données, revient à 12 EUR par mois. En comparaison, Proximus propose une offre iPad de 500 Mo (le quart du volume) pour 10 EUR, sans parler de leurs tarifs normaux qui sont hors de prix.
Mais revenons à l’iPhone 4 pour parler un peu de ses entrailles. La quantité de mémoire vive (RAM) a été doublée par rapport à l’iPhone 3GS et atteint à présent les 512 Mo. Le CPU est un Apple A4 cadencé à une vitesse inconnue inférieure à 1 Ghz, probablement 750 Mhz. Ce CPU, fabriqué par Samsung, est un processeur de type ARM Cortex-A8 qui intègre également un processeur graphique PowerVR SGX535. Il permet à l’iPhone 4 d’être environ 30% plus rapide que l’iPhone 3GS, sans compter la quantité de RAM doublée qui lui permet d’être plus à l’aise avec les applications gourmandes en mémoire telles que le nouvel iMovie 4.
Il faut dire que la nouvelle version du système d’exploitation de l’iPhone, l’iOS 4, a avant tout été conçue pour tirer parti des caractéristiques techniques plus avancées de l’iPhone 4, au détriment des versions précédentes de l’appareil. De nombreux utilisateurs d’iPhone 3G et 3GS se sont plaint du manque flagrant de réactivité de leur téléphone après la mise à jour, à tel point qu’une grande partie d’entre eux n’a pas hésité à faire marche arrière pour revenir à la version 3.1.3. Autre gros coup dur pour Apple qui a encore terni son image.
Rassurez-vous, ces problèmes de performance seront certainement corrigés par de futures mises à jour, mais cette mauvaise surprise ne se fait pas vite oublier. Quant aux utilisateur d’iPhone de première génération, ils n’ont pour la première fois tout simplement pas droit à la mise à jour. Pourtant, ses spécifications techniques ne diffèrent pas tellement de celles de l’iPhone 3G. Mais qu’apporte donc l’iOS 4 exactement?
Tour d’abord la possibilité révolutionnaire de pouvoir changer l’image de fond de l’écran d’accueil de son iPhone. Blague à part, ceci était possible avec tous les téléphones à écran couleur que je connaisse en dehors de l’iPhone, jusqu’à aujourd’hui. Ensuite, la possibilité de classer ses applications par catégories, histoire de s’en sortir lorsqu’on en a beaucoup.
Et surtout, le multitâche, c’est-à-dire la possibilité de démarrer plusieurs applications simultanément. Cette fonction n’est disponible que sur l’iPhone 3GS, l’iPhone 4 et les iPod Touch équivalents. Personnellement, je suis habitué au multitâche depuis que j’ai cessé d’utiliser MS-DOS et je considère cette fonction comme indispensable. L’implémentation d’Apple sur ses appareils mobiles utilise leur unique bouton en facade: double-cliquer sur celui-ci permet d’afficher un menu avec les applications actuellement ouvertes et basculer de l’une à l’autre instantanément. En réalité, les applications ne fonctionnent pas en parallèle, elles sont simplement mises en pause. Cependant, une liste de services d’arrière-plan bien précis sont mis à la disposition des applications, leur permettant par exemple d’envoyer des notifications ou de diffuser du son même lorsqu’elles ne sont pas au premier plan.
Cette implémentation du multitâche semble relativement bien pensée mais je lui préfère quand même celle des appareils Android (auxquels je consacrerai d’autres articles). Ces appareils permettent aussi d’afficher les applications ouvertes et basculer de l’une à l’autre, mais possèdent en plus un bouton “retour” qui permet de revenir au dernier écran tout en fermant définitivement l’écran précédent, et par extension de quitter une application pour revenir à la dernière application ouverte. Android permet aussi aux applications de communiquer entre elles, ce qui n’est pas encore possible avec l’iPhone.
Pour le reste, l’iPhone 4 possède les mêmes défauts généraux que les versions précédentes: système fermé, impossibilité de remplacer la batterie, mémoire interne non extensible, obligation d’utiliser le logiciel iTunes et un câble de données pour synchroniser l’appareil avec un ordinateur, et bien sûr toujours pas d’Adobe Flash disponible dans le navigateur web même si de nombreux sites font des efforts pour proposer de la vidéo visible sur iPhone et iPad.
Tout cela vaut-il 640 EUR (minimum)? Je pense que non, car il existe aujourd’hui sur le marché des appareils comme le HTC Desire vendus 200 EUR moins cher, avec des spécifications techniques équivalantes et un système d’exploitation beaucoup moins restrictif (Android 2.2). Je publierai d’ailleurs prochainement un test de ce sérieux concurrent.
Finalement, le grand tour de force d’Apple avec l’iPhone, c’est de parvenir à insuffler à ses utilisateurs une telle impression de liberté et d’avant-gardisme qu’ils en oublient qu’ils utilisent le smartphone le plus verrouillé du marché.